Bulletin

Tour d'horizon trimestriel | printemps 2024

Par Glenn McGillivray and Parul Garg
Document posé sur la table

Le climat est en train de changer. Ainsi, l’industrie de l’assurance doit aussi changer.

Par Glenn McGillivray, directeur général, Institut de prévention des sinistres catastrophiques et professeur associé, Gestion des sinistres et des urgences, Université York


Le Canada est un cas intéressant, puisqu'il est passé d'un pays qui connaissait occasionnellement de petites catastrophes météorologiques assez faciles à gérer, à un pays qui subit assez régulièrement des catastrophes de grande ampleur, coûteuses et lourdes de conséquences.

Au cours des dernières années, il est devenu courant que d’importants sinistres se succède rapidement, voire presque simultanément, pesant lourdement sur ceux dont le travail consiste à intervenir dans le processus de recouvrement. Tous les paliers de gouvernements et les assureurs (de même que les industries connexes comme les experts en sinistres indépendants et les entrepreneurs en réparation et en remise en état après sinistre) trouvent qu'il est de plus en plus difficile d’exercer leurs activités dans ce qui est devenu un environnement instable. De nos jours, il n’est pas rare que des propriétaires de maison touchés par un événement météorologique extrême soient relogés ailleurs pendant plus de deux ans, voire plus.

Et les changements climatiques y contribuent largement.

Beaucoup commettent l’erreur de croire que les changements climatiques sont une simple théorie, et qu’il s’agit d’un phénomène modélisé qui peut ou non commencer à un moment donné. Cependant, des changements majeurs de notre climat sont déjà en cours.

À l’échelle planétaire, les dix années les plus chaudes jamais enregistrées se sont toutes produites dans la dernière décennie, l’année 2023 étant la plus chaude depuis le début de l’enregistrement des données. L'année dernière, la planète a dépassé pour la première fois 1,5 °C de réchauffement moyen. C'est énorme, considérant que la température moyenne annuelle de la planète au 20e siècle était de 13,9 °C.

Chez nous, le Canada se réchauffe environ deux fois plus vite que la planète. Quant à l’Arctique, il se réchauffe environ trois fois plus vite. Les raisons sont complexes et dépassent le cadre de cet article.

Les effets des changements climatiques sont nombreux et variés : élévation du niveau de la mer, propagation accrue des ravageurs forestiers (par exemple, des insectes comme le dendroctone du pin ponderosa), réduction de la couverture de glace, augmentation d’événements de sécheresse et de chaleur extrême, davantage de maladies à transmission vectorielle (infections transmises à l'homme et à l'animal par des insectes hématophages), et la fonte du pergélisol, pour ne nommer que ceux-ci.

Du point de vue de l’assurance de dommages (en des termes plus simples), les changements climatiques signifient une augmentation de la fréquence et/ou de la gravité des phénomènes météorologiques violents et des incendies de forêt. Bien que les changements climatiques ne soient pas à l’origine des tempêtes, des inondations et des feux de forêt, ils favorisent la survenue de ce type d’événements. Ils ont souvent été comparés à un joueur de baseball sous stéroïdes qui, avec le même nombre de coups frappés, font plus de coups de circuit.

Les changements climatiques signifient que l'atmosphère peut contenir davantage de vapeur d'eau, ce qui peut se traduire par des précipitations plus abondantes à certains endroits, mais aussi par des sécheresses plus profondes et plus longues ailleurs. En ce qui concerne les feux de forêt, le Canada a vu les superficies brûlées doubler depuis les années 1970. On s'attend à ce que les superficies brûlées doublent encore, voire triplent, d’ici 2100. Les saisons des feux commencent désormais plus tôt et se poursuivent plus longtemps.

Les épisodes de chaleur extrême, comme le dôme de chaleur qui a touché certaines parties de la Colombie-Britannique en 2021, entraînant 619 décès, vont également se multiplier dans de nombreuses communautés à travers le pays.

De nombreux autres changements, moins bien compris, se produisent dans d'autres domaines de risque, comme le vent et la grêle.

Les changements climatiques peuvent également avoir d'autres effets sur les événements météorologiques extrêmes, ne se limitant pas à la fréquence et à la gravité. Il peut s'agir d’endroits où des phénomènes peuvent se produire (par exemple, on pense que la Tornado Alley aux États-Unis se déplace vers le nord-est et, éventuellement, vers le sud-ouest); et comment les choses peuvent se produire (on suppose que les ouragans dans l'Atlantique Nord se forment plus rapidement, se déplacent plus lentement et sont plus humides).

Cela signifie que de nouveaux records sont battus presque chaque année, c’est du moins ce qu'il semble.

Au cours des dernières années, le Canada a connu la pire saison de feux de forêt de son histoire, si l'on en juge par le nombre d'hectares brûlés (2023 : 18,4 M d’hectares); son sinistre le plus coûteux à se produire au Canada atlantique (Fiona 2022 : 800 M$ + dommages assurés); son événement de chaleur le plus meurtrier (C.-B. 2021 : 619 décès attribuables); son sinistre le plus coûteux en C.-B. (« rivière atmosphérique » 2021 : 675 M$ en dommages assurés); l’année la plus coûteuse en feux de forêt (Fort McMurray 2016 : 4 G$ en dommages assurés); et ses inondations les plus coûteuses (Sud de l’Alberta 2013 : 1,7 G$ en dommages assurés).

En 2023, un nombre record de 23 catastrophes assurées ont été déclarées (c'est-à-dire des événements d'une valeur de 30 M$, selon Catastrophe Indices and Quantification (CatIQ). Le précédent record était de 15 événements (2017 et 2022 à égalité). Les seuls mois de juillet et août 2023 ont connu plus de catastrophes déclarées que le Canada n'en a connu en une année entière.

Tous ces changements ont de profondes répercussions sur les assureurs de dommages canadiens.

La planification

Si l'on devait décrire les effets des changements climatiques en un mot, ce mot pourrait être « incertitude ».

Les changements climatiques (associés à d'autres facteurs, tels que la croissance démographique, l'augmentation des capitaux assurables sous-jacents et l'état des infrastructures publiques dans le pays) a rendu très difficile la planification des assureurs canadiens pour une année donnée.

Personne ne peut jamais être tout à fait certain de ce que l'année à venir apportera. Est-ce que l’année sera marquée par des intempéries d’1 G$ pour l'industrie? Est-ce que ce sera une année à plus de 3 G$ (comme 2013 et 2023)? Est-ce que ce sera une année à plus de 5 G$ (comme 2016) ou bien l’industrie connaîtra-t-elle une tout autre évolution?

Cette volatilité influence grandement les programmes de réassurance et la planification financière et des ressources humaines, pour ne citer que trois aspects.

Avec les changements climatiques, comprendre les performances passées n'est plus une garantie de succès futur, car les tendances du passé ne sont plus indicatives de ce qu'une entreprise pourrait connaître à l'avenir.

À mesure que la Terre continuera à se réchauffer et que les points de bascule seront dépassés, la variabilité naturelle des conditions météorologiques diminuera et davantage de phénomènes’ extrêmes seront provoqués par le réchauffement d'origine humaine, ce qui accroîtra encore la volatilité.

Adopter la résilience

Alors que nous connaissons une année de sinistres comme 2023, il est clair que le modèle d'entreprise d'une époque révolue ne conviendra plus aux assureurs canadiens. D'une part, les assureurs ne peuvent pas réagir à la série quasi ininterrompue de sinistres importants en augmentant les tarifs, d'autant plus que les propriétaires canadiens sont frappés de toutes parts par l'augmentation des coûts de presque tout, et notamment du prix de leur maison.

L'augmentation spectaculaire des primes d'une année à l'autre pourrait inciter un plus grand nombre de propriétaires à décider de ne pas souscrire d’assurance, et pourrait susciter l'intérêt des organismes de réglementation qui craignent que l'assurance habitation ne devienne hors de portée du Canadien moyen (dans une certaine mesure, ces discussions ont déjà commencé).

La solution pour les assureurs est d’adopter la résilience, essentiellement ce que nous appelions autrefois la « protection contre les sinistres ».

Adopter la résilience peut signifier informer et éduquer les assurés, directement ou à travers les réseaux d'agents et de courtiers, sur les risques qu'ils encourent face aux divers aléas naturels et sur les mesures à prendre pour y remédier.

Cela sous-entend de s’engager davantage dans des organisations comme l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques, lequel a été créé par les assureurs de dommages du Canada il y a plus de 25 ans, et qui compte 120 membres provenant de l’industrie de l’assurance. Cet engagement peut consister à fournir des données sur les sinistres lorsque demandé, à participer à des comités et des groupes de travail et à fournir des lettres de soutien pour des modifications du code de la construction et d'autres initiatives.

Il pourrait également être envisagé d'intégrer l’idée de mieux rebâtir ou « Building Back Better » (BBB) dans le processus d’indemnisation, afin que les assureurs ne se contentent pas de replacer l'assuré dans la même situation qu'avant le sinistre, alors que le risque sous-jacent n'a pas changé. L’IPSC dispose actuellement d'un groupe de travail composé de 16 entreprises, qui étudie la possibilité d'inclure des provisions du BBB dans le processus d'indemnisation en cas de sinistre total ou important.

Autres conséquences des changements climatiques sur l’industrie

Si les conséquences de l'augmentation des pertes dues aux événements météorologiques violents n'étaient pas suffisantes pour l’industrie, il existe plusieurs autres aspects des changements climatiques qui ont, peuvent avoir ou auront un impact sur les assureurs canadiens.

Des articles entiers peuvent être écrits sur les premières rumeurs émanant des organismes de réglementation provinciaux canadiens concernant la déclaration des risques liés au climat par les assureurs, et sur les mesures visant à résoudre, ou du moins à réduire de manière significative, le déficit de protection d'assurance dans le pays.

Dans de nombreux endroits du monde, certains assureurs sont soumis à de fortes pressions pour couvrir des projets liés aux combustibles fossiles. De même, de nombreux assureurs sont soumis à une forte pression parce qu’ils détiennent des investissements liés aux combustibles fossiles dans leurs portefeuilles. Les assureurs canadiens ont largement été tenus à l’écart de ces discussions, mais ils sentiront certainement la pression sous peu.

Il existe de nombreuses autres facettes au défi que représentent les changements climatiques pour les assureurs canadiens dans un avenir proche, y compris des questions sur les risques et les branches d’assurance à conserver et à abandonner, ainsi que sur les nouveaux produits qui seront nécessaires dans les années à venir, à mesure que les changements climatiques continueront de sévir.

Oui, les changements climatiques sont synonyme d'incertitude.

Mais une chose est claire comme de l'eau de roche : la croyance simpliste selon laquelle les changements climatiques ne posent pas tant problème aux assureurs de dommages du fait que le contrat ne dure qu'un an, ce qui leur donne une « marge de manœuvre », ne fait que démontrer l'ignorance de ceux qui y adhèrent.

Les changements climatiques sont terriblement complexes, et pour les assureurs de dommages, les autres problèmes passent pour une partie de plaisir.

S’adapter à un avenir à faibles émissions de carbone : L’évolution de l’industrie de l’assurance

Par Parul Garg, analyste principal, Projets et produits stratégiques, Chubb Assurance


Que ce soit pour nous éclairer ou pour faire démarrer nos voitures, un grand nombre d'activités quotidiennes reposent sur des combustibles à teneur élevée en carbone comme le pétrole, le charbon et le gaz naturel. En fait, ces combustibles contribuent à plus de 80 % de la consommation mondiale d'énergie. Il est surprenant de constater que le besoin pressant de réduire l'empreinte carbone a attiré l'attention sur l’industrie de l'assurance pour réduire les émissions. Cet article examine comment l’industrie de l'assurance, grâce à sa position et ses ressources particulières, détient la clé pour permettre aux entreprises d'accélérer leur rythme de décarbonisation.

Les crédits de compensation carbone visent à contrebalancer les conséquences négatives des émissions de carbone. Les crédits de compensation carbone sont devenus de plus en plus populaires, les particuliers cherchant à contrebalancer leurs émissions de carbone. Ces crédits de compensation peuvent se manifester par des actions simples comme aller au travail à pied ou adopter un mode de vie végétalien.

Dans le contexte des changements climatiques, les émissions de carbone jouent un rôle préjudiciable, tandis que les crédits de compensation carbone jouent un rôle positif. L'année 2023 a été marquée par des catastrophes naturelles dont les sinistres couverts s'élèvent à 108 G$ US, notamment des feux de forêt dévastateurs provoqués par des vagues de chaleur extrême en Europe, au Canada et à Hawaï. L'augmentation des catastrophes naturelles provoquées par les changements climatiques est directement liée aux limites des stratégies de durabilité environnementale existantes. Pour atténuer ce phénomène, une transformation durable systémique axée sur les crédits de compensation des émissions de carbone est essentielle.

Les assureurs jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les émissions de carbone et la création de valeur à long terme grâce à leur expertise financière et à leurs capacités de gestion des risques. Ils peuvent contribuer à la transition vers une économie à faible émission de carbone en :
  • menant la transition de la société des combustibles fossiles vers les sources d'énergie renouvelables;
  • abordant les risques climatiques élevés et en élaborant des stratégies pour les atténuer;
  • surveillant les changements environnementaux et en comprenant leurs effets sur les risques;
  • améliorant la qualité des portefeuilles de risques par la réduction des risques liés à la transition des projets et des infrastructures;
  • augmentant les investissements dans les entreprises durables sur le plan environnemental et les industries connexes;
  • décarbonisant leurs propres activités afin de réduire leur empreinte carbone;
  • améliorant leur image de marque grâce aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG);
  • fournissant des informations et l'expertise pour atténuer et prévenir les effets des changements climatiques sur la santé et la propriété.

Récemment, les changements climatiques ont transformé de façon spectaculaire le paysage des risques dans l’univers de l’industrie de l'assurance, en introduisant une série de nouveaux risques. Tout d’abord, les risques physiques résultant d’événements météorologiques de plus en plus extrêmes et de la hausse des températures mondiales constituent des menaces importantes pour les assureurs en augmentant la probabilité et la gravité des sinistres importants. Mais ce n'est pas tout, les compagnies d'assurance sont également confrontées au défi des risques de transition, qui tournent autour des risques financiers liés à la transition vers une économie à faible émission de gaz à effet de serre. En d'autres termes, l'évolution du paysage des risques peut être expliquée par l'installation de panneaux solaires sur les toits, qui est une tendance croissante dans les pays qui visent des initiatives à faible émission de carbone. Ces installations deviennent souvent la partie la plus vulnérable d'un bâtiment et pourraient facilement être l'une des causes des sinistres élevés causées par des risques tels que les tempêtes de grêle.

Compte tenu de l'évolution de ces risques complexes, il est impératif que les compagnies d'assurance restent flexibles et développent des stratégies pour relever efficacement les défis posés par les activités à forte intensité de carbone. Alors que la demande de mesures cohérentes à l'échelle mondiale pour réduire les émissions de carbone s'intensifie, l’industrie de l'assurance doit travailler avec des organisations mondiales pour développer et adopter des stratégies afin de rester à l'avant-garde de cette transformation.

Par exemple, la Banque mondiale a réuni plusieurs investisseurs, dont un fonds spéculatif et une compagnie de réassurance, pour assurer une compagnie d'électricité uruguayenne contre la sécheresse, qui aurait paralysé la production hydroélectrique. Dans certains cas, il s'avère également plus efficace de construire et d'exploiter de nouveaux projets d'énergie alternative que d'entretenir les centrales conventionnelles existantes. L’industrie de l'assurance devrait tirer parti de ces opportunités en investissant dans les dernières technologies et la formation tout au long de sa chaîne de valeur. Il peut s'agir d'investir dans des mesures d'atténuation en tant qu'investisseur à long terme ou de catalyser l'investissement en souscrivant des projets positifs pour le climat et en partageant des connaissances sur les risques.

La mobilisation des investissements dans l’industrie de l'assurance nécessite le soutien des pouvoirs publics sous la forme de politiques qui créent des mesures incitatives et réduisent les obstacles à l'investissement. Le développement des marchés du chauffage urbain géothermique (GeoDH) dans divers pays européens mérite d'être souligné à cet égard. Les projections (tirées de Geothermal DH Potential in Europe) suggèrent que d'ici 2020, la plupart des pays de l'UE auront au moins une installation GeoDH. Le chauffage urbain géothermique (GeoDH) est la décarbonisation du chauffage, c'est-à-dire l'utilisation de l'énergie géothermique pour fournir de la chaleur aux bâtiments et à l'industrie par le biais d'un réseau de distribution. Cette évolution de l'industrie européenne met en évidence son engagement à décarboniser le parc immobilier et à promouvoir des solutions énergétiques durables, que le Canada pourrait également explorer.

Par ailleurs, les simulations de crises liées au climat visant à mettre en œuvre des solutions innovantes de manière transparente n'en sont encore qu'à leurs débuts et se heurtent à divers problèmes de méthodologie et de capacité. Pour surmonter ces obstacles, les assureurs peuvent avoir besoin de collaborer avec des spécialistes du climat pour mettre au point des simulations de crise appropriées, en tenant compte des horizons temporels pertinents pour les différentes catégories d’affaires. Heureusement, les compagnies d'assurance mondiales ont analysé et continuent d'analyser géographiquement leur exposition en la comparant à l'évolution des risques de catastrophes naturelles afin de surveiller et de gérer efficacement leurs portefeuilles. Au fil du temps, la cartographie des risques de catastrophe est devenue une nécessité pour faire face efficacement aux risques climatiques accrus. Dans cette mesure, la cartographie géospatiale réalisée par les compagnies d'assurance constitue une bonne base pour les simulations de crises liées au climat.

Les assureurs se heurtent à des obstacles dans la collecte des données sur les émissions, l'évaluation des données sur l'empreinte carbone, la tarification des risques climatiques et la transition des portefeuilles d'investissement vers le développement durable. L’industrie de l'assurance s'adresse à une clientèle variée, allant des grandes entreprises qui ont établi des normes de déclaration des émissions, aux petites entreprises, et aux particuliers disposant de peu de données sur les émissions. La collecte de données sur les émissions pour l'assurance des particuliers, excluant précisément l’assurance automobile, s'avère difficile en raison d'une normalisation insuffisante et de préoccupations liées à la protection de la vie privée. Pour relever ces défis, il faut combiner des protocoles de collecte de données normalisés, une catégorisation standard des risques environnementaux, des techniques de modélisation avancées et une prise de décision éclairée qui tienne compte des facteurs financiers, des risques et de la réglementation. Pour que les compagnies d'assurance puissent s'orienter avec succès vers des portefeuilles à faibles émissions de carbone, ce déficit d'information doit être comblé. Des organismes de réglementation continueront à jouer un rôle crucial dans la mise en œuvre de politiques obligeant les entreprises à communiquer leurs données financières liées au climat. Des entreprises émergentes spécialisées dans le suivi en temps réel des émissions de carbone et des plateformes de décarbonisation accompagnent aujourd'hui les entreprises dans leurs efforts de réduction de leur empreinte carbone (exemple Zeroe, Carbonzero).

Le rôle des compagnies d'assurance dans l'orientation de leurs clients vers la durabilité et l'incitation à investir dans des mesures d'adaptation ne peut être négligé. Il est de leur devoir d'aider les propriétaires et les promoteurs à mieux comprendre la nature et la probabilité des risques auxquels ils peuvent être confrontés et de les conseiller sur l'adoption de pratiques durables telles que la construction de maisons plus écologiques et d'installations dotées d'une isolation supérieure, la nécessité d'incorporer des mesures de protection pendant la construction et le remplacement des véhicules conventionnels par des véhicules électriques.

Les compagnies d'assurance peuvent favoriser les pratiques durables en encourageant les consommateurs à investir dans des mesures de prévention des risques et en les incitant, par le biais d'une tarification transparente basée sur les risques, à récompenser les attributs écologiques plutôt que les attributs carbone traditionnels. Les lignes directrices relatives à la sélection des risques qui tiennent compte des changements climatiques peuvent également inciter les entreprises à adopter des pratiques à teneur plus faible en carbone. Par exemple, en 2023, Swiss Re a étendu la politique relative au charbon thermique afin de limiter les risques liés au charbon dans les traités relatifs aux biens, à l'ingénierie, aux risques divers, au crédit et à la caution, ainsi qu'au fret maritime. Dans le même ordre d'idées, l'objectif de Munich Re est de réduire de 35 % d'ici à 2025 (année de référence : 2019) les émissions provenant de l'extraction de charbon thermique ou de la production d'électricité financées, et d'abandonner totalement les investissements dans le charbon thermique d'ici à 2040.

Dans le cadre de la réduction des émissions de carbone et de la gestion dans un monde sensible au climat, l’industrie de l'assurance est confrontée à la fois à des opportunités et à des risques. Il sera essentiel de continuer à innover dans les produits et les solutions pour relever ces défis. L'industrie peut jouer un rôle crucial en améliorant la résilience du littoral, en créant des jardins pluviaux et des bassins d'orage, en proposant des solutions d’assurance paramétrique pour les événements météorologiques défavorables, en fournissant des services d'ingénierie des risques pour réduire l'exposition aux risques climatiques et en renforçant les structures pour qu'elles résistent aux perturbations climatiques.

Les solutions d’assurance paramétrique constituent une ligne de produits innovante. Elles offrent une protection financière contre les risques liés au climat et peuvent contribuer à la décarbonisation de nombreuses manières :
  • Encourager les projets d'énergie renouvelable : Les produits paramétriques peuvent apporter un soutien financier et une réduction des risques pour les projets d'énergie renouvelable. En offrant une certitude financière, ces produits favorisent le développement et l'investissement dans les infrastructures d'énergie renouvelable.
  • Renforcer la résilience et les mesures d'adaptation : L'assurance paramétrique peut faciliter la mise en œuvre de mesures de résilience et d'adaptation. Par exemple, en fournissant une couverture basée sur des déclencheurs de risques climatiques prédéterminés, les produits paramétriques peuvent soutenir le financement et la mise en œuvre de projets axés sur l'amélioration de la résilience climatique, tels que les systèmes de protection contre les inondations ou l'agriculture résistante à la sécheresse.
  • Lutter contre les interruptions d'activité induites par le climat : Les événements liés au climat devenant plus fréquents et plus graves, les entreprises sont confrontées à des risques croissants de perturbations. L'assurance paramétrique peut fournir une couverture pour les interruptions d'activité induites par le climat, telles que les phénomènes météorologiques extrêmes ou les catastrophes naturelles.
  • Soutenir les initiatives de réduction des émissions : Les produits paramétriques peuvent encourager les initiatives de réduction des émissions en liant les primes d'assurance ou la protection à des objectifs spécifiques de réduction des émissions de carbone. Par exemple, une entreprise peut être récompensée par des primes moins élevées si elle atteint des objectifs prédéterminés de réduction des émissions. Cette approche encourage les entreprises à investir dans des projets et des stratégies de réduction des émissions, ce qui favorise les efforts de décarbonisation.

Les compagnies d'assurance peuvent jouer un rôle de premier plan dans les efforts de compensation des émissions de carbone. Compte tenu de leur influence dans divers secteurs, les assureurs peuvent orienter leurs clients et eux-mêmes vers des options à faible émission de carbone. Ils constituent donc une force importante pour répondre à la nécessité urgente de réduire les émissions de carbone. En promouvant activement une économie à faibles émissions de carbone, les assureurs peuvent gérer efficacement les risques liés au climat et protéger les individus, les biens et l'environnement.

Références

  • https://www.mckinsey.com/industries/financial-services/our-insights/capturing-the-climate-opportunity-in-insurance
  • https://www.avantaventures.com/insights/measuring-and-disclosing-emissions-for-the-insurance-industry/
  • https://www.linkedin.com/pulse/unlocking-new-avenues-green-capital-ipos-bond-pathway-steinbach-1pbre/
  • https://www.swissre.com/reinsurance/insights/insurance-decarbonising-construction-sector.html
  • https://www.swissre.com/reinsurance/insights/insurance-decarbonising-construction-sector.html
  • https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/insurance-bureau-canada-wildfire-costs-1.7078021
  • https://www.instech.co/knowledge-centre/parametric-insurance-for-carbon-offset-projects-the-parametric-post-issue-50/
  • https://www.marshmclennan.com/insights/publications/2023/april/triggering-change-parametric-solutions.html
  • https://www.globaldata.com/store/report/canada-general-insurance-market-analysis/
  • https://content.naic.org/cipr-topics/transition-risk
  • https://www.economist.com/leaders/2024/01/11/an-influx-of-chinese-cars-is-terrifying-the-west
  • http://geodh.eu/wp-content/uploads/2014/11/GeoDH-Report-D-2.2-final.pdf
  • Planet of fire: A manifesto for the age of Environmental breakdown, Mather Lawrence and Laurie Layborn-Langton, verso 2021
  • Our Renewable future; laying the path for one hundred percent clean energy, Richard Heinberg and Davide Fridley, Island Press, 2016
  • The Case for Climate Capitalism: Economic soultion for Planet in Crisis, Tom Rand, ECW Press, 2020
  • The Carbon Bubble: what happens to us when it bursts, Jeff Rubin, Random House Canada, 2015
  • The Green New Deal; why the fossil fuel civilization will collapse by 2028, and the bold economic plan to save life on earth, Jeremy Rifkin, St. Martin’s Press, 2019
  • Carbon Shift: How the twin crisis of oil depletion and climate change will define the future, Ronal Wright, Random House of Canada, 2009